Testo L'hôtel-dieu

Testo L'hôtel-dieu

Pour une femme morte dans votre hôpital,
je réclame, Dieu, votre grâce.
Si votre paradis n'est pas ornemental,
gardez-lui sa petite place.
La voix au téléphone oubliait la pitié;
alors j'ai couru dans la ville.
Elle ne bougeait plus déjà d'une moitié,
l'autre est maintenant immobile.
Bien qu'elle fût noyée à demi par la nuit,
sa parole était violence.
Elle m'a dit: "Appelle-moi ce docteur",
et lui, il a fait venir l'ambulance.
O temps cent fois présent du progrès merveilleux,
quand la vie et la mort vont vite,
où va ce chariot qui court dans l'Hôtel-Dieu,
l'hôtel où personne n'habite?
D'une main qui pleurait de l'encre sur la mort,
il fallut remplir quelques fiches.
Moi, je pris le métro, l'hôpital prit son corps,
ni lui ni elle n'était riche.
Je revins chaque fois dans les moments permis,
j'apportais quelques friandises.
Elle me grimaçait un sourire à demi,
de l'eau tombait sur sa chemise.
Elle ne bougeait plus, alors elle a pris froid:
on avait ouvert la fenêtre,
une infirmière neutre aux gestes maladroits
- en son hôtel Dieu n'est pas maître.
Ma mère embrassa, sur la main me bénit,
- et moi, je ne pouvais rien dire -
en marmonnant "Allons, c'est fini, c'est fini",
toujours dans un demi-sourire.
Cette femme a péché, cette femme a menti,
elle a pensé les choses vaines.
Elle a couru, souffert, élevé deux petits
si l'autre vie est incertaine.
Et si vous êtes là, et si vous êtes mur,
que sa course soit terminée!
On l'a mise à Pantin dans un coin près du mur.
Derrière on voit des cheminées.
Testi di Guy Béart